01.« Dis maman, tu viens à ma représentation, hein? »
Mme Holloway, la tête plongée dans ses dossiers et l'esprit ailleurs, a du mal à se concentrer sur sa fille de dix ans, qui se tient près d'elle depuis cinq bonnes minutes. « Maman! », insiste la fillette en tapant du pied sur le sol. Elle n'a pas pour habitude de faire des caprices, comprenant parfaitement que la dose de boulot que sa mère doit régler est énorme: Pourtant elle n'en peut plus. Cette fois, c'est trop. « Oui, quoi ma chérie? », demande la plus âgée en se tournant enfin vers sa progéniture, lâchant une seconde son dossier du regard. Ma représentation. Mon spectacle de danse, samedi...Tu viendras, n'est-ce pas? »
Isabelle Holloway soupire et passe sa main dans ses cheveux bruns aussi ondulés et beaux que ceux de sa fille. « Oh, j'avais complètement oublié! Désolée ma puce, mais je suis en congrès ce week end, je ne serais même pas en ville. » « Quoi?! Mais ça fait des mois que la date du spectacle est arrêtée! Je t'ai même prévenue une fois par semaines depuis un mois et tu m'as toujours dit que tu te libérerais! » Isabelle n'eut même pas l'air de se sentir coupable, mais juste légèrement blasée. Elle souffla et retira ses lunettes, l'air fatiguée soudainement. « Je sais Juliet, mais tu dois comprendre que mon boulot est important: C'est bien grâce à lui que tu peux avoir ces cours de danse, d'ailleurs. » Blessée, Jules recula d'un pas, les larmes brûlant ses yeux. Elle se détourna alors et croisa les bras.
« Et a quoi ça sert que je prenne ce genre de cours si c'est pour que personne ne vienne m'applaudir à la fin, après avoir vu les progrès que j'ai fais? » Isabelle voulut répondre, mais Juliet fut plus rapide et tourna les talons, avant de sortir comme une fusée du bureau. Elle claqua la porte derrière elle et se réfugia ensuite dans sa chambre. Là, elle retrouva sur son lit son énorme collection de peluche: Elles proviennent du monde entier, souvenirs éphémères que ses parents lui ramènent de leurs voyages d'affaires et de leurs réunions. Juliet se jette sur son lit et vient serrer ses peluches dans ses bras. Fort. Pourtant ce n'est pas nouveau. Elle devrait être habituée au fait que ses parents refusent ou n'aient pas de temps à lui consacrer: Mais la fillette ne comprend pas. Si le travail devait passer avant elle, pourquoi est-ce qu'elle était venue au monde, en réalité? N'ayant ni frère, ni soeurs et ses cousins vivant tous en Angleterre, Juliet n'avait comme qui dirait personne à fréquenter, mis à part ses amis du cours de danse et à l'école. Mais une fois les murs des établissements franchis, elle était seule. Désespérément seule.
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02.« J'ai décidé de ne pas aller à l'université. » Carter, la meilleure ami de Juliet, failli s'étouffer avec son café et la dévisagea comme si une seconde paire de seins venait de lui pousser sur le sommet de la tête. « Quoi?! Mais...Quoi?! » Klaire sourit et lève les yeux au ciel avant de hausser les épaules. « Les études, ce n'est définitivement pas pour moi. Rester le cul vissé sur une chaise pendant des heures en train d'écouter un vieux type barbant m'apprendre des trucs encore plus chiants, ce n'est pas trop mon truc. Et puis je veux simplement…enfin, j’ai un projet quoi. »
« Je vois. Et tes parents en ont dit quoi quand tu leur as annoncé la bonne nouvelle? » La jeune femme de dix huit ans sourit en se rappelant la tête de son père et de sa mère lorsqu'elle leur a fait part de son souhait de tout lâcher, la veille. Sa mère était devenue complètement livide et son père, qui croyait à une blague au début, était devenu rouge de colère. Torturer ses parents comme ça, c'est une sorte de vengeance personnelle, parce que même si Juliet n'a jamais manqué de rien au niveau matériel, eh bien elle n'a jamais eu droit à leur complète et entière attention. Là, au moins ils l'écoutaient! « Ma mère a failli tourner de l'oeil et mon père s'est sifflé presque toute la bouteille de whisky! Ils m'ont harcelée pendant des heures en me disant que je fais une énorme connerie, que je dois aller passer d'autres diplômes, faire partie d'une sororité débile...Mais j'ai pris ma décision. » « Et t'es sûre que c'est la bonne? », demanda Carter en posant prudemment sa tasse à moitié vide. « Franchement? Ouais. Je pense que je vais monter mon entreprise, m'installer dans un appart' sympa et je vais enfin pouvoir démarrer ma vie hors du cocon familial. »
« Oh oui, parce que c'est tellement horrible de vivre dans une maison immense avec un jardin tout aussi grand! C'est une torture d'avoir à sa disposition un cuisinier personnel et des femmes de ménage. Je te plains, tu sais, Holloway »
Juliet sourit. Qui pourrait comprendre ce qu'elle vit, après tout? Elle a eu la chance d'avoir appartenu à un milieu aisé, mais uniquement grâce à ses égoïstes de parents, c'est tout. Sans eux, elle n'a rien et elle le sait...Et au fond, c'est peut-être ce qu'elle recherche. Faire enfin les choses par elle-même, découvrir le monde seule, même si elle compte en fait rester en ville. Au moins, elle ne serait plus jamais seule dans une villa immense et effrayante, angoissante. « Donc c'est définitif? », finit par demander Carter.
Elle hocha la tête, l'air décidée et sûre d'elle. « Ouais. Tout ce qu’il y a de plus définitif.» « Ok. Alors je marche. » Juliet fut surprise. « Quoi ?! »
Carter sourit et alla même jusqu’à rire légèrement, avant d’hausser les épaules. « Eh oui, Juliet ! Rappelle-toi qu’on avait de faire le tour de l'Europe depuis qu'on est gosses! Ce voyage, j’y crois et je le veux tout autant que toi. Alors Yale ira se faire foutre : Hors de question que je quitte la ville sans toi. » Encore sous le coup du choc, Juliet éclata de rire, émue et rassurée. « Sérieusement ? Mais tes parents vont te déshériter ! »
« Et alors ? Tu m’aimeras toujours, même quand je serais pauvre, non ? »
« Evidemment ! Meilleures amies pour la vie, quoi. »
« Alors on est ok. Toi et moi, on va s’en sortir et on va même prouver à nos vieux qu’on peut faire bien mieux qu’eux ! »
Elles se tapèrent dans la main et se sourirent. Voilà plus de dix ans qu’elles sont amies et Juliet, qui au fond d’elle avait tout de même des doutes par rapport à son avenir, se sent maintenant totalement sereine.
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