Tu fermes les yeux et un petit sourire s'installe sur ton visage. Tu t'es enfin décidée à sortir: Depuis que tu es devenue zombie, ton frère t'as toujours empêchée de mettre le nez dehors...Il avait peur pour toi et aussi, était apparemment effrayé à l'idée que tu ne perdes le contrôle et ne veuille bouffer la première personne que tu croiserais. Mais là, c'est terminé. Tu as attendu qu'il quitte la maison tôt ce matin, pour aller te préparer et pour sortir à ton tour. Le soleil ne réchauffe pas ton visage comme il le faisait avant, mais tu sauras t'en contenter. Tu as toujours adoré les journées ensoleillées. Habillée d'un short et d'un simple débardeur, tu exposes ta peau bronzée artificiellement grâce à l'auto-bronzant que ton frère t'as apporté il y a deux jours. Et tu marches. Tu marches sans but précis, sans savoir où tu veux aller exactement: Tu te sent sereine, pour la première fois depuis longtemps. Libérée de tout. Tu sais que quand tu rentreras chez toi ce soir, tu ne trouveras aucune bouteille d'alcool sur le sol, aucun mégot de cigarette froid traînant sur la table basse du salon...

Bien sûr, tu l'aimais, ta mère. Elle était ce qu'elle était, mais elle était avant tout ta mère. Sauf que l'amour change, peu importe la raison. Et tu en es venue à ne plus te soucier d'elle. Maintenant elle est morte et tu ne peux t'empêcher de te dire que c'est sans doute mieux comme ça: ainsi, elle est libérée de ses addictions. Tu espères même qu'elle est redevenue elle-même, peu importe l'endroit où elle se trouve maintenant... finalement, tes pas te mènent vers le centre ville. C'est animé, mais tu t'en fiches. Tu es détendue, tu te sent bien. Tu est sereine, apaisée. Et, alors que tu passes dans la grande rue principale, tu t'arrêtes soudainement, le nez tendu, la tête légèrement penchée en arrière. Cette odeur. Tu te tournes précipitamment et regarde les doubles portes qui se présentent devant toi. Celle du fast food que tu avais l'habitude de fréquenter, de te réfugier lorsque ta mère ramenait des mecs à la maison le soir. Tu te souviens que tu restais jusqu'à la fermeture, parfois, avant de te mettre à errer dans les rues en pleine nuit.

Voilà si longtemps que tu n'as pas mangé de burgers! Ton sourire toujours au coin des lèvres, tu lèves le bras et pousse les portes.

Welcome Home, Lou-Ann.

Rentrer dans ce fast food, te fait l'effet de rentrer chez toi. Cet endroit sent fort la friture et la musique qui y passe est pourrie, mais tu l'aimes, cet endroit. Il t'apaise, cet endroit. C'est ta seconde maison. De manière totalement naturelle, tu te diriges vers le comptoir, te rendant compte que la table que tu utilisais toujours est libre, justement. Le destin? Sûrement. Tu souris. T'es bêtement heureuse, pour la première fois depuis longtemps. Tu te sent bien, apaisée et détendue. Tu n'as pas envie de bouffer des gens, mais un simple hamburger. Et des frites. Et des nuggets. Tout ça relevé par des tonnes et des tonnes de sauce piquante, évidemment. Oh, et tu serais prête à te couper un bras pour un soda! Alors tu t'accoudes au comptoir et attend que quelqu'un arrive pour prendre ta commande. Tu est patiente aujourd'hui, parce que tu savoures tout simplement ta liberté fraichement retrouvée, ne pouvant t'empêcher de te demander ce que ton frère dira ce soir, quand tu daignera rentrer. Est-ce qu'il criera? Certainement. Est-ce qu'il t'enfermera encore? Peut-être pas, sachant que tu t'es bien conduite. Tu n'as tué personne, pour le moment et tu ne comptes pas le faire. Tu as le contrôle. Ce n'est pas parce que tu as été infectée que tu vas céder aux tentations: Tu es bien plus forte et robuste que ça et tu le sais. Enfin, tu vois quelqu'un arriver, de l'autre côté du comptoir. C'est un jeune homme: Il doit avoir ton âge. Il est mignon, assez grand, brun avec de magnifiques yeux bleus. Tu as l'impression de le connaitre, de l'avoir déjà vu quelque part...Mais pas ici. Au lycée, peut-être? Certainement, oui. En tout cas là bas, il ne portait pas cet uniforme bizarre et encore moins cette casquette affreuse représentant un poulet! Tes lèvres se pincent, seul moyen pour toi de montrer que tu te retiens de sourire -ce ne serait pas sympa pour ce pauvre garçon- et tu arques un sourcil. "Salut. J'vais prendre un double hamburger avec une grande portion de frites, un grand soda, un milkshake vanille/fraise, une boîte de nuggets et une crème glacée menthe/chocolat. Oh, et je veux de la sauce piquante aussi." Tu n'as jamais commandé autant de choses en même temps, mais aujourd'hui, tu t'en moques. T'es morte. Alors les kilos et toi maintenant, vous êtes potes, sachant que tu ne peux plus grossir.

Je hais ce boulot ! Pourquoi ce serait à moi de rester là, à servir la clientèle alors que j’étais mieux au grill ? J’étais plus doué à ça qu’à prendre les commandes des gens… oui je n’arrêtais pas de me plaindre mais qu’est-ce que vous voulez que je vous dise je n’aime pas ça ! Je me retiens de souffler et tente d’afficher un sourire à la jeune fille qui se trouve devant moi. Je tente de faire bonne figure même si je déteste le costume que je porte, c’est peut-être pour le boulot mais vraiment quelle honte. J’espérais vraiment que mes amis ne viendront pas pour se moquer de moi, je ne leur avais pas dit que je travaillais là, mais sait-on jamais que l’info passe. En entendant la commande de la fille, je restais un peu surpris. Est-ce que j’avais mal entendu ou elle venait vraiment de commander tout ça ? Je tapotais sur mon écran le restant de la commande. « Tu as un grand appétit à ce que je vois, tu es sur de vouloir manger tout ça ? Ce sera sur place ou à emporter ? » Il ne voulait pas la dissuader de le faire, mais c’est vrai que ca l’étonnait. Cette fille avait l’air de ne pas avoir un grand estomac et je me demandais comment elle pourrait ingurgiter tout ça, au bout d’un moment elle risquerait de craquer.

Je serais bien resté à la maison quand même, j’avais encore énormément de révision en cours et une recherche à faire pour mon cours d’histoire. C’était pour la semaine prochaine mais je m’y prenais toujours à l’avance pour ce genre de devoir. Je regardais la fille, elle me disait vraiment quelqu’un et je n’arrivais pas à mettre un nom dessus. « On ne se serait déjà pas vu quelque part ? J’ai l’impression de t’avoir déjà vu. Tu habites dans le coin non ? » Ce qui pourrait expliquer pourquoi elle me dit quelque chose. J’aurais pu la croiser souvent sans même m’en rendre compte puisqu’avec ma sœur on n’habite pas loin non plus. C’est bien pratique d’être au centre-ville, au moins nous étions à côté de tout.

Tu arques un sourcil...Tu as commandé tant de choses que ça? Oui, apparemment. Légèrement mal à l'aise, tu as une réaction typiquement féminine: tu détourne un instant le regard. Chérie, tu es certainement en train de passer pour une vraie morfale devant un mec mignon...Mauvais point. Là, tu n'es plus du tout amusée, au contraire, mais tu essaie de faire bonne figure, comme toujours. Et d'ignorer en passant le fait qu'il soit humain, que toi alors que toi tu ne l'es plus, et surtout, surtout: Tu essaie de passer outre le fait qu'il a un cerveau certainement super bon juste là, caché dans sa boîte crânienne. Non, franchement: Tu te concentre sur la nourriture et surtout sur la question qu'il vient de te poser. "J'suis hypoglycémique.", lui réponds-tu un peu trop brusquement. Alors tu soupires et passe une main dans tes cheveux avant de le regarder à nouveau. Ses yeux sont tellement bleus, tu te perdrai dedans volontiers. Mais t'as pas le droit. T'as plus le droit: surtout depuis que tu es devenue un zombie. "Sur place. Je compte rester là un bout de temps." Le plus longtemps possible. Jusqu'à la fermeture. Comme avant. Comme quand tu étais encore humaine. Ce soir, tu comptes rentrer tard. Ne pas rentrer du tout, ce serait pas mal aussi, mais tu as toujours ton frère, qui t'attendra à la maison. Alors oui, tu vas rentrer. Mais pas tout de suite. Là, maintenant, tu veux être normale. Tu veux retrouver ta vie d'avant. Puis le serveur te parle à nouveau. En temps normal, les gens ne t'adressent pas tellement la parole, se contentant de préparer ta commande, de prendre ton fric et de te regarder aller t'installer d'un air blasé. Mais lui, il est différent. Il veut savoir qui tu es, parce qu'apparemment, il t'as déjà vu. Toi aussi, tu lui trouve un air familier. Surtout rapport au lycée. "Je crois qu'on était dans le même bahut.", réponds-tu simplement avant de fixer le sol. Comme si ce carrelage pourri était plus intéressant. Ta commande arrive et tu sent ton ventre gargouiller en voyant la viande, les frites et tout le reste. Franchement, tu es un cas désespéré!

Ok, tu es en train de passer pour une grosse morfale. Jamais tu n'aurais commandé autant de choses, avant. Mais à ce stade là, tu t'en moque: Puis il parait que certains garçons aiment bien les filles qui assument le fait d'avoir un bon appétit...Mais attend. Pourquoi est-ce que tu voudrais plaire à ce type? D'accord, il est mignon et il a des yeux si bleu que tu as l'impression que tu pourrais te noyer dedans tellement ils sont profonds, mais quand même! Tu es un zombie maintenant. Déjà que t'avais pas trop foi en l'amour et toutes ces autres conneries avant, ce n'est pas maintenant que tu es un vrai cadavre ambulant que les choses vont aller en s'améliorant! Alors tu inventes une excuse carrément bidon que personne ne pourrait réellement croire, mais qui semble passer. Ouf. Puis, tout en préparant ta commande, il commence à te faire la conversation. Et là, tu te demandes vaguement s'il le fait juste avec toi ou alors avec tous les clients qui lui passent sous le nez: Si c'était le cas, les journées devraient être sacrément longues! Ah, mme Carter...Cette peau de vache! Elle n'arrêtait pas de souligner le fait que tu étais souvent en retard en cours ou alors que tu rendait tes devoirs plus tard que les autres: Elle ne cherchait même pas à comprendre ce qu'il se passait chez toi, dans ta propre vie. Entre ton père parti et ta mère qui se tapait mecs sur mecs tout en se droguant à mort...Ouais, on ne peut pas dire que t'avais le temps de faire tes devoirs! Bref. Tu détestait Mme Carter, parce qu'elle t'avait dans le pif et qu'elle ne faisait absolument rien pour que les choses changent. "Difficile d'oublier c'te vieille folle.", dis-tu d'une voix assez basse et dégoutée. Puis tu vois un deuxième plateau arriver, pleine de la commande que tu as passée il y a à peine quelques minutes. Le serveur te propose de t'aider, chose qui te surprend, une fois encore: N'importe qui d'autre t'aurait laissée te démerder. Sans pouvoir t'en empêcher, tu souris. Oui, tu souris. "Euh...Merci." Tu attrapes l'un des plateaux, fait volte face et te dirige vers une table, dans le fond de la pièce. Ici, il n'y a personne et tu sais que tu seras tranquille. Une fois arrivée à la table, tu poses la nourriture qui déborde presque du creux de tes bras et te tourne vers l'employé, qui t'as suivie comme promis. Tu rabat une mèche de cheveux derrière ton oreille et le regarde dans les yeux, légèrement intimidée. Et maintenant?! "Merci encore. T'étais pas obligé de faire ça" Quitter le comptoir pour venir l'aider, ça ne doit pas être quelque chose de très conseillé, donc, effectivement tu ne peux que le remercier.